art. 1/ histoire brève de la musicothérapie

 

Nous nous accorderons tous facilement à dire que la musique existe depuis les premières civilisations.

Mais que peut-on dire du lien entre le soin, la médecine et la musique ? A-t-il toujours existé ou est-il le fruit de notre société moderne ?


 

MUSIQUE ET MÉDECINE, DANS L’ANTIQUITÉ

Lorsque l'on remonte le temps et que l'on parcours les textes les plus anciens, on s'aperçoit que les indications thérapeutiques de la musique dans l'histoire de la médecine sont abondantes. Et ce, depuis l'Antiquité !

On peut tout d'abord citer la Bible, et plus précisément le Premier Livre de Samuel : il y est écrit que David guérit le roi Saül de sa neurasthénie (crises d'angoisses et dépression) grâce au jeu de sa harpe. L’objectif de ce soin musical est de chasser le mauvais esprit, d'harmoniser et d'apaiser le roi. Cet exemple souligne l'utilisation de la musique et l'intervention d'un musicien pour traiter des désordres psychiques ou comportementaux.

 

ART.1/

LA MUSIQUE ET LE SOIN,

AU FIL DU TEMPS

Chez les grecs anciens, la musique et la nature sont étroitement liées : les théories pythagoriciennes soulignent ce qu'il y a de commun à l'astronomie, aux mathématiques et à la musique: les nombres. Ceux-ci régissent le monde et maintiennent son équilibre, son harmonie.

Ainsi, pour Platon, chaque mode musical induit une action sur le comportement humain. La musique peut donc - pour lui - être utilisée à des fins éducatives (pour faire apparaître un comportement, ou au contraire l'inhiber), mais aussi thérapeutiques puisque l'harmonie musicale exerce un effet équilibrant sur l'harmonie du corps et de l'âme. Par l'utilisation de la musique, on recherche donc à s'accorder avec l'harmonie du monde.

Pour Aristote, la musique permet de se libérer des sentiments tels que la pitié, la peur ou l'enthousiasme (qui correspondrait aujourd'hui au sentiment narcissique et de toute puissance).

Elle est par là un outil essentiel pour soigner et purifier l'âme.


LA MUSIQUE CATHARTIQUE DU MOYEN-ÂGE

La catharsis consiste en une décharge des tensions physiques et émotionnelles, qui apaise et soulage momentanément.

Au Moyen-Age, lorsque les sujets étaient pris par un état de torpeur, de grande agitation, ou un repli total sur eux-mêmes souvent dus à une morsure comme celle de la tarentule (araignée) ; ils étaient alors invités à s'exprimer et à danser sur la musique en continu.

Celui-ci était le seul traitement efficace reconnu pour "faire sortir le mal".

Ainsi, les sons de la flûte et de la harpe étaient employés pour soigner la sciatique ou la goutte, car l'on considérait que guérir l'esprit par la musique, permettait de guérir le corps.


LA RENAISSANCE : QUAND LA MUSIQUE SOIGNE LA MÉLANCOLIE

La Renaissance voit naître un intérêt grandissant pour l'emploi de la musique dans le soin des pathologies mentales. En 1644, Jean Schenck publie La musique est efficace dans la cure de la mélancolie, ouvrage dans lequel il attribut aux harmonies musicales "l'admirable propriété de calmer les sentiments troublés de notre âme, de rendre des forces à notre intelligence et de l'exciter à nouveau.

Aussi, il explique qu'il a considéré la musique comme un outil thérapeutique de choix dans le traitement de la mélancolie, en complément d'un traitement médicamenteux. Ceci, afin de permettre de soigner à la fois le corps et l'esprit et de retrouver une "santé complète".

Plus tard, en 1769, Pierre Joseph Buchoz, médecin lorrain, décrit précisément dans son Mémoire sur la manière de guérir la mélancolie par la musique, les indications et préconisations musicales à suivre pour un meilleur résultat. Il distingue les tempéraments mélancoliques secs et humides, respectivement traités par une gradation harmonique (des sons les plus graves aux plus aigus) ou une musique forte, gaie et vive.

Dans les deux cas, le but de ce traitement par l'écoute musicale est, dit-il, de "remuer les fibres", stimuler les nerfs et les liquides afin de permettre à nouveau la mise en mouvement du corps, la réjouissance du cœur et l'apaisement de l'esprit, empli de pensées douces et agréables.


AU XIXème SIÈCLE : DE LA MUSIQUE POUR LES "FOUS"

Alors que jusque là, les asiles et les hospices accueillaient les aliénés, les nécessiteux et les "fous" dans des espaces clos et reculés, les choses évoluent lorsque la "folie" est considérée comme une maladie à part entière. Le statut de "fou" passe alors à celui de "malade" : ce sont les débuts de la psychiatrie française, sous l'impulsion de médecins comme Philippe Pinel, qui dès 1801, ouvrent les portes à l'application de traitements.

Ce dernier instaure "le traitement moral de la folie", un programme de réadaptation et tout un travail de médicalisation régit par son Traité médico-philosophique sur l'aliénation mentale, qui implique l'utilisation de la musicothérapie.

Pour appuyer cette pratique, Pinel cite dans sa thèse le cas d'un patient, ancien violoniste, dont la redécouverte de l'instrument a joué un rôle essentiel dans son rétablissement.

Plus tard, les Docteurs Pinel et Esquirol se lancent dans les premières expérimentations visant à retranscrire les réactions des patients de l'hôpital de la Salpêtrière face à la musique. Ils sont les premiers à exercer la musicothérapie dans cette nouvelle spécialité qu'est la psychiatrie.

"La musique est alors considérée comme un moyen de calmer les agités, de stimuler les apathiques, ou encore de chasser les idées morbides".

Le mouvement s'étend, de Paris jusqu'au Centre de la France, puis la Bretagne et la Dordogne, pour ensuite dépasser les frontières et aller s'installer en Belgique, en Grande-Bretagne et en Italie.


EN BREF

La musicothérapie n'est pas une découverte thérapeutique du XXème siècle, mais ce "pouvoir thérapeutique" de la musique est bien un phénomène universel, connu et utilisé dans toutes les cultures depuis des millénaires pour ses effets sur le corps, l'esprit et l'âme.


Mais alors, si la musicothérapie, de tout temps et dans toutes les cultures, n'a cessé d'exister, pourquoi avons-nous l'impression de la (re)découvrir aujourd'hui ?

 

FIN DU XIXème SIÈCLE : UNE MUSICOTHÉRAPIE OUBLIÉE

Plusieurs raisons expliques ce trou noir creusé à la fin du XIXème siècle et qui s'étendra jusqu'à la moitié du XXème siècle.

La musicothérapie est délaissée, mise au placard pendant un temps, suite à la découverte de nouvelles spécialités telles que la psychiatrie mentionnée plus haut, mais aussi la psychologie et la psychanalyse. Ces nouvelles pratiques, associées à des traitements novateurs comme la chimiothérapie, donnent des clés pour prendre en charge des symptômes traités jusqu'alors par la musicothérapie : l'agitation ou la prostration (repli sur soi, dépression), l'apathie,... Les troubles d'origine psychiques sont ainsi pris en charge différemment.

Mais ceci n'est pas la seule explication, car du côté musical, un grand tournant dans la composition musicale, les techniques et procédés d'écriture et de jeu de la musique, marque le début des années 1900. En effet, c'est l'abandon de l'harmonie dans le dodécaphonisme et l'introduction du bruit dans la musique concrète.

Le dodécaphonisme de Shoenberg, c'est une révolution musicale dans laquelle les règles d'harmonie sont toutes remises en questions: la gamme s'étend sur 12 sons au lieu de 7, tous égalitaires. Il n'existe donc plus de notes "repères" auxquelles l'oreille pourrait s'accrocher.

Bouleversant ainsi les codes, les effets de cette musique peuvent donc être déstabilisants et frustrants. Sauf indication particulière, il est donc très rare que cette dernière soit employée en musicothérapie.

La musique concrète de Schaeffer, quant à elle, propose une exploration sonore des plus diverses : la musique se compose de sons enregistrés, du quotidien, de la nature, de bruits... . Elle assume la théorie selon laquelle le silence et le bruit peuvent être considérés comme de la musique. En cela, le développement de la musique concrète a joué un rôle dans la recherche en musicothérapie, car il a créée une ouverture : employer n'importe quel son ou bruit peut amener à un intéressant travail de composition et de mise en musique. Cela veut dire également pour le musicothérapeute, accepter n'importe quelle production sonore émise par les patients ou lui-même, comme ayant un potentiel musical et donc thérapeutique.


EN BREF

Au début du XXème siècle, on bouleverse les codes musicaux et découvre de nouvelles spécialités et traitements permettant de prendre en charge les affections psychiques et somatiques. La musicothérapie est mise de côté, puis redécouverte autrement.


1950: LE RENOUVEAU DE CETTE PRATIQUE ANCESTRALE

C'est Jacques Jost, qui en 1954 s'intéressera à l'influence de l'écoute musicale sur l'individu et investira des recherches sur le sujet grâce à des enregistrements sonores.

En 1970, Maurice Gabai invite la musique dans son cabinet dentaire, dans le but de réduire l'anxiété de ses patients.

Plus tard, l'écoute de la musique est également utilisée dans la préparation à l'accouchement. Les recherches et expérimentations se multiplient, plusieurs livres sur la musicothérapie, ses principes et applications sont publiés et crédibilisent la pratique.

En France :

En 1974, a lieu le premier Congrès Mondial de la Musicothérapie à Paris.

La formation se développe au sein d'universités et d'associations.

La musicothérapie s'étant développée à partir du milieu médical, elle s'intègre dans les lieux d'accueil et de soin mais n'a pas de statut.

À l'internationale :

Depuis 1950 la musicothérapie se développe dans le monde, où elle est actuellement reconnue comme discipline à part entière dans plus de 30 pays, dont le Canada, l'Allemagne, les Etats-Unis, l'Argentine...

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art. 2/ MUSIQUE et MÉMOIRE : MAGIE OU CHIMIE ?